HISTOIRE DU TEMPLE DE CHARENTON

1er TEMPLE

A la suite de la promulgation de l’Edit de Nantes par le roi Henri IV en 1598, autorisant la liberté des cultes, les protestants eurent le droit de pratiquer leur religion dans les villes qui leur étaient acquises (Montauban, La Rochelle, etc…), ainsi qu’aux environs de la capitale mais à 5 lieues seulement. Le premier temple protestant de la région parisienne, dit de Charenton, a été construit dès 1607, à proximité du moulin de la Chaussée, situé près de la Marne, sur l’actuelle commune de Saint Maurice (Charenton et St Maurice sont deux communes distinctes depuis 1842), pour des raisons de commodités d’accès en barque depuis Paris. Ce temple est construit sur les plans de Jacques Androuet Du Cerceau, qui s’inspire du temple d’Ablon désaffecté et dont il récupère les matériaux. Ce premier temple de Charenton a joué un rôle essentiel pour les protestants parisiens, à l’époque où ceux-ci n’avaient pas le droit de se réunir dans Paris. Mais en ce temps-là, les catholiques n’étaient pas prêts à accepter l’établissement des réformés huguenots à Charenton. Des émeutes ayant lieu chaque dimanche sur le passage des religionnaires, le dimanche 10 septembre 1606, Henri IV doit revenir tout exprès de Fontainebleau pour déclarer aux émeutiers rassemblés à la Porte St Antoine « que pour ne pas manquer à ses promesses, il fallait désormais compter cinq lieues de Paris à Charenton ». Dernier argument, il fait dresser deux gibets au pied de la Bastille pour convaincre les indécis. Ce premier temple de Charenton a d’abord été saccagé en 1615, puis a subi un incendie criminel en 1621.

2ème TEMPLE

Le roi Louis XIII ayant permis le rétablissement du temple, mais aux frais des réformés, la première pierre du second temple fut posée le 23 juin 1623, à proximité du carrefour du moulin de la Chaussée. Les travaux ont été conduits par Salomon de Brosse (neveu de d’Androuet du Cerceau), architecte du Palais du Luxembourg à Paris. Le temple a été terminé en 1624. Il faisait près de 34 m de longueur sur 21,5 m de largeur, avec des murs très épais et une charpente du comble d’un fort bel assemblage (d’après le Mercure Galant de février 1686). Les grandes dimensions de ce nouveau temple lui permirent d’accueillir jusqu’à 4 000 personnes pour les offices du dimanche, et beaucoup plus les jours de fête, où un autre culte était célébré dans la cour de l’ancien temple, à l’abri d’une toile tendue. Les pasteurs, les fidèles et nombre de grandes familles de la bourgeoisie et de la noblesse ont tenu à se faire inhumer dans le village de Charenton devenu terre calviniste par excellence. C’est ainsi que Charenton, qui ne comptait que 250 habitants en 1606, est devenu progressivement un des bourgs les plus considérables de la région parisienne. Mais les catholiques menés par un clergé fanatisé, dont l’influence était grande sur le roi, n’ont jamais accepté l’établissement des huguenots ni à Charenton, ni ailleurs. En juin 1671, les étalages et les baraques de bois des libraires brûlèrent dans la cour du temple de Charenton et le temple fût endommagé. La situation de plus en plus tragique des protestants les a incités à émigrer à partir de 1680, en particulier vers l’Allemagne et la Hollande, puis vers la Caroline du Sud et la Pennsylvanie. Parmi eux, le fils du pasteur Jean CLAUDE de Charenton, un des plus renommés de Paris, qui va s’installer à La Haye, où il emporte les volumes les plus précieux de la célèbre bibliothèque de Charenton. Le second temple de Charenton servit de modèle à l’édification de la cathédrale française de Berlin, construite pour les réfugiés huguenots accueillis dès 1685 par le prince électeur (Edit de Potsdam)

C’est le 18 octobre 1685 que le roi Louis XIV, harcelé par ses courtisans, révoque l’Edit de Nantes. Le temple de Charenton est alors détruit par les commissaires du Châtelet, accompagnés d’huissiers et de cavaliers et archers. Il leur aura fallu cinq jours pour démolir le temple, ordre étant de récupérer tout ce qui pouvait l’être. Depuis fin 1685, le village de Charenton est alors ruiné et désert. L’emplacement du temple n’est plus qu’un champ de pierres. Il fut vendu en 1700 aux religieuses bénédictines d’Osne le Val. Elles y édifièrent un prieuré qui sera lui aussi détruit après la révolution.

3ème TEMPLE

Seule, l’église réformée s’est souvenue d’une blessure profonde. Il aura fallu attendre le bicentenaire de la révocation de l’Edit de Nantes pour qu’elle construise son troisième temple, en 1889. Edifié au 12 rue Guérin, non loin de la mairie de Charenton, ce nouveau temple a été construit autour d’une structure métallique à 12 colonnes type Eiffel. Il constitue en exemple de construction fin 19ème siècle, tant pour son architecture que pour son décor intérieur.

Au-dessus du petit vitrail situé à gauche du porche d’entrée, figure une étoile avec l’inscription « 1685 – 1889 ». Ces deux dates remémorent l’absence du culte réformé entre la destruction du second temple à la révocation de l’Edit de Nantes et la construction du temple actuel, afin de rappeler que la foi ne meurt pas.

Devant l’entrée du temple, sur une dalle bleue, il est inscrit « LA PAIX SOIT AVEC VOUS ». Sous cette dalle il y a un caisson dans lequel ont été déposés des documents et des objets en souvenir du jour d’inauguration du temple, dont la prédication du pasteur, le déroulement du culte, les discours, etc…, ainsi qu’une pièce d’un dollar envoyée par une fillette habitant les Etats Unis et descendante d’une famille originaire de Charenton qui a émigré en 1685. Tout un symbole de foi et de reconnaissance.

Ce temple a été régulièrement entretenu. En 2008, il a été équipé du chauffage central. Son intérieur a été entièrement rénové (hormis le parquet) en 2012 et fait l’objet de plusieurs améliorations (changement du sas, installation de parois coulissantes, modernisation électrique et sonorisation, etc…). En 2016, le ravalement du presbytère a pu être réalisé.

Par contre, son aspect extérieur n’a pas été rénové depuis une cinquantaine d’années et nécessite des réparations importantes. Car ce troisième temple aura 130 ans en 2019, c’est un grand âge ! Il mérite qu’on organise sa dernière touche de « rajeunissement » pour cette échéance, à s’avoir le ravalement de sa façade et la rénovation du parquet, afin qu’il puisse toujours témoigner au XXIème siècle des valeurs du protestantisme que sont la foi, l’espérance, la charité, ou dans un autre langage la tolérance et la joie de vivre. C’est pour cela, que nous souhaitons vivement que cette maison de Dieu soit belle et accueillante.

Le projet de ravalement de sa façade a été initié en août 2018 et devrait lui conférer un éclat à la hauteur de son rôle dans la société et dans la ville, dans un quartier récemment rénové.